Migrants et mineurs isolés en France : l’école et le foot au secours d’une adolescence en danger
par Thomas Fouan
12 février 2020

En 2018, 17 000 jeunes migrants ont été déclarés mineurs en France. La reconnaissance de leur minorité leur donne accès aux services de l’Aide sociale à l’enfance, permet leur scolarisation et leur garantit le non-éloignement forcé du territoire français. Mais il faut souvent plus que cela pour aider des enfants et des adolescents isolés à se construire et à se projeter dans leur vie d’adultes.

La fin du voyage

L’arrivée sur le sol français devait marquer la fin d’un périple long et éprouvant. Car si les itinéraires sont identifiés avant de partir: la route de la Méditerranée orientale en passant par la Grèce, la route de la Méditerranée centrale par l’Italie, ou encore la route Maroc-Espagne, beaucoup mésestiment le temps que durera la traversée ou les difficultés qu’ils rencontreront. Ce sont des enfants qui durant plusieurs mois s’attaqueront au désert du Sahara à pied et en 4×4, s’exposeront à des filières de trafics d’humains en Libye, et prendront la mer à bord de zodiacs surchargés pour plusieurs jours sur la Méditerranée.

Sur place, les premiers contacts avec l’administration française visent à déterminer l’âge des jeunes migrants au moyen des documents d’identités présentés, de questionnaires ou de tests osseux dont la fiabilité fait encore débat. Si leur minorité est avérée, ils ne sont plus menacés d’expulsion mais se retrouvent en pays inconnu et sans soutien familial.

La scolarité comme premier facteur d’intégration

Les enfants et adolescents qui arrivent en France sont déscolarisés, au minimum, depuis qu’ils ont quitté leur foyer. Ces quelques mois ou années passés sur les routes et loin des bancs d’école ne les ont pas préparé à un retour rapide à la scolarisation.

Dans l’attente du verdict statuant sur leur minorité qui conditionnera leur entrée à l’école, des associations et des bénévoles proposent donc un accompagnement scolaire à ces jeunes isolés. Le but est ici de se préparer aux tests d’aptitudes qui décideront de l’échelon auquel ils intégreront le système éducatif français. L’enjeu est double : retrouver un rythme de travail régulier ainsi que le niveau académique qui était le leur. En effet, dans cette nouvelle vie, le temps presse : il faut rapidement intégrer des formations et/ou accéder à un emploi qui justifiera un titre de séjour à l’heure de la majorité. L’enfant privilégiera souvent des études courtes ou un secteur en tension qui recrute à moyen terme. Chaque année d’étude compte, et les réflexions autour des diverses orientations sont limitées par ce facteur temps.

L’enjeu est double : retrouver un rythme de travail régulier ainsi que le niveau académique qui était le leur

Le niveau des élèves allant du primaire au lycée, toute personne souhaitant s’impliquer dans une mission de soutien scolaire est en mesure de le faire. Des structures comme Tous Bénévoles, Jeune et Bénévole, ou Atouts Cours proposent de mettre en relation volontaires et élèves. C’est notamment grâce au soutien de ces bénévoles que Baba, adolescent sénégalais, a pu intégrer un établissement d’Île-de-France en classe de seconde il y deux ans. A force de persévérance et de sérieux, Baba est aujourd’hui en terminale à 17 ans. Il passe à la fin de l’année le bac STL (sciences des technologies de laboratoire) qui le préparera à un emploi dans le secteur pharmaceutique. Son projet professionnel, mûri ces dernières années, lui permet d’aborder la majorité avec confiance malgré l’incertitude de sa situation.

Le foot permet de retrouver une collectivité, une famille, un espace où la solidarité est la règle.

En dehors des heures de cours, Baba joue au foot, comme beaucoup de jeunes de son âge et comme un grand nombre de mineurs isolés. Cependant, dans le quotidien d’un adolescent sans papier, même le foot reste une histoire compliquée : pas de licence, pas de club, pas d’entrainements. C’est devant ce constat et pour lutter contre le désoeuvrement et le découragement que Maud Angliviel, avocate, décide de fonder l’association Melting Passes en juin 2016. Le club permet aux jeunes de jouer, mais aussi de se rencontrer, de se retrouver et de se responsabiliser en s’impliquant dans le fonctionnement de l’association.

Ce lien social qu’ils ont perdu en quittant leur foyer doit être créé à nouveau au sein des structures d’accueil, des écoles ou d’autres associations accompagnant des migrants

Les bénévoles de Melting Passes ont dû faire face à un casse tête administratif et logistique pour trouver un championnat qui accueille l’équipe, des terrains pour les entraînements et des tenues pour les matchs. Le FC Melting Passes intègre finalement la ligue de la FSGT (Fédération sportive et gymnique du travail). Après deux saisons abouties, il finit même par accrocher une place en Division A, le plus haut échelon de la fédération, au printemps dernier.

Leur épopée sportive, et le travail des volontaires engagés à leurs côtés, sont retracés dans l’excellent reportage de Mathias Pardo « Just kids » (disponible sur Canal+). Le film suit trois des joueurs, Steve, Issouf et Dian Malal dans leur quotidien. Rendez-vous avec l’Aide sociale à l’enfance, convocation chez le juge, et match du samedi après-midi, on découvre la force et le caractère de ces adolescents. Après avoir risqué leur vie pour venir en France, ils cherchent désespérément à prendre ce nouveau départ qui a motivé le voyage.

Sortir les jeunes migrants de l’isolement

Entre le coût de la traversée, les espoirs des proches laissés derrière eux et les épreuves endurées lors du voyage, ces jeunes avancent avec l’obligation de réussir. Une pression lourde à porter, qu’ils aient 13 ou 18 ans. Même s’ils font preuve d’une maturité et d’une volonté rares à leurs âges, ils ont besoin de soutien et de conseils. Ce lien social qu’ils ont perdu en quittant leur foyer doit être créé à nouveau au sein des structures d’accueil, des écoles ou d’autres associations accompagnant des migrants, mais aussi auprès des élèves, des bénévoles ou des travailleurs sociaux qu’ils rencontrent. Que ce soit par le foot ou par l’école, les mineurs isolés sortent de l’isolement.


A travers ces Stories, Azickia vise à mettre en avant des initiatives à impact social, en France et dans le monde, et cela sans adhérer pour autant à toutes les opinions et actions mises en place par celles-ci. Il est et restera dans l’ADN d’Azickia de lutter contre toute forme de discrimination et de promouvoir l’égalité pour tous.Licence Creative CommonsCe(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 3.0 France.