La méditation au profit des adultes et enfants qui souffrent
par Thomas Fouan
9 avril 2020

Le début du XXIème siècle a été le témoin d’une véritable pénétration des pratiques traditionnelles orientales dans les modes de vie occidentaux modernes, yoga et méditation en tête. Le phénomène est d’autant plus remarquable durant la période de confinement liée à l’épidémie du coronavirus COVID-19 que traverse la communauté internationale. Le contenu vidéo et audio destiné à l’initiation à la maison fleurit. De nombreux pratiquants y voient un moyen efficace de réduire le stress dans un environnement anxiogène et d’aborder spiritualité et vie intérieure dans un contexte incertain. Bien au-delà de la boîte à outils de gestion de crise, des initiatives proposaient déjà d’en faire bénéficier les populations défavorisées ou le milieu éducatif.

La recherche sur la méditation est encore balbutiante, mais elle offre de belles promesses pour les plus jeunes et les plus démunis

Il est vrai que la popularisation du yoga et de la méditation dans les pays occidentaux remonte bien au-delà des années 2000 : le mouvement hippie avait déjà constitué une première vague notable. Ce qui a évolué cependant ces dernières années, voire décennies, ce sont les personnes qui véhiculent ces pratiques hors de leurs cercles culturels d’origine. Le message semble désormais moins porté par des bohèmes et des orientalistes que par des éducateurs, des scientifiques et des responsables RH. Ces derniers occupent de manière plus significative l’espace médiatique conventionnel, ce qui explique pour partie la dynamique. L’autre explication est plus structurelle : les organes scolaires et managériaux ont acté les bienfaits du yoga et de la méditation en termes de relaxation et de bien-être. Ou bien en termes de concentration et d’efficacité, selon le point de vue.

Sans qu’il n’y ait de consensus définitif, de nombreuses études cherchent à décrypter les impacts de la méditation sur le fonctionnement du corps. Matthieu Ricard, moine tibétain et docteur en génétique cellulaire, et Wolf Singer, neuro-biologiste au Max Planck Institute for Brain Research de Francfort et l’un des plus grands spécialistes du cerveau, ont ainsi travaillé sur les liens entre méditations et neurosciences. A leur image, des chercheurs expérimentent les diverses applications de cette pratique dans d’autres domaines de compétence : lutte contre le cancer, réduction de la douleur ou renforcement du système immunitaire. Le point de départ est toujours le même : la méditation agit sur les effets toxiques engendrés par les hormones du stress.

En 2014, Erica Sibinga, pédiatre et co-auteur d’un rapport pour la revue médicale américaine JAMA, a conduit une série de tests dans les écoles publiques les plus défavorisées de Baltimore. Le stress chronique généré par la pauvreté, la violence et la malnutrition affectait en profondeur les organismes des élèves. Avec la méditation, “la tendance dépressive est passée d’un niveau préoccupant à un niveau normal” constate-t-elle. L’étude a montré des améliorations similaires sur les niveaux d’anxiété, d’hostilité et d’acceptation. “Cela veut-il dire qu’il y a du mieux chez chaque enfant au sein du groupe ? Non, mais la moyenne s’est améliorée”.

A l’échelle d’une population et particulièrement chez les plus jeunes, on observe que la précarité est un facteur aggravant du stress et de ses effets néfastes sur la santé. La méditation se présente donc comme un levier précieux et des initiatives se développent pour rendre ces pratiques accessibles à ceux qui en ont le plus besoin.

La méditation pour les personnes en grande précarité et les détenus

En France, l’association Mindfulness Solidaire propose des programmes d’initiation à la méditation pour les personnes les plus démunies et les détenus. Les institutions qui accompagnent ces personnes bénéficient rarement des moyens et de la formation pour introduire cette activité. Le travail des bénévoles de l’association est donc d’évaluer si un programme pourrait être utile pour les encadrants et les personnes dont elles sont responsables. Le cas échéant, une solution adaptée est mise en place, portant sur plusieurs sessions dispensées par des instructeurs professionnels.

Des projets ont ainsi vu le jour en partenariat avec la Fondation de l’Armée du Salut ou des établissement pénitentiaires. En mars 2020, l’association était aux côtés du Secours Populaire pour accueillir plus de 400 femmes en situation précaire au Château de Versailles, dans le cadre de la Journée des droits de la femme.

La méditation à la portée de ceux qui font l’éducation

Util, un éditeur de contenu pédagogique basé à La Rochelle, propose de son côté un outil pour initier les enfants à la méditation. Le studio a ainsi développé une application simple et esthétique, qui s’appelle Voltaire et les Zamizen, à destination des éducateurs, parents et tous les autres accompagnateurs qui souhaitent introduire cette pratique auprès des plus jeunes. L’application existe en deux versions. La première s’adresse aux enseignants et aux animateurs pour les aider à faire progresser la classe ou le groupe à son rythme. La seconde permet aux parents et enfants de partager le plaisir de méditer dans le cadre de la famille.

La méthode se révèle efficace, adoptée par plus de 500 classes en France à fin 2019. Elle se développe même à l’étranger et des versions non francophones sont à l’étude.

En Ouganda, la méditation s’installe au sein d’un orphelinat, dans une communauté touchée par le SIDA

Dans la région de Kampala en Ouganda, l’organisation EDAPO (Economic Development and Aids Prevention Organization) s’occupe d’écoles et de foyers qui accueillent des enfants issus de communautés durement touchées par le SIDA. Les enfants pris en charge ont souvent perdu leurs parents ou ceux-ci sont en situation critique à cause du VIH, et certains pensionnaires sont eux-mêmes séropositifs.

Le directeur de l’orphelinat, Mark Mugabe, utilise la méditation comme un outil pour alléger chez ces jeunes le poids de l’omniprésence du virus et de ses ravages. Il veut ainsi leur redonner confiance en eux et en l’avenir pour instaurer une dynamique positive au sein de l’orphelinat. La situation sanitaire et financière oppose toujours d’immenses défis aux professeurs et aux élèves et la méditation collective n’a pas pour objectif d’y remédier en elle-même. Elle a cependant instauré un climat d’apaisement mutuel qui atténue le caractère insurmontable de la situation.

Mark Mugabe déploie des efforts considérables pour apporter confiance et sérénité aux plus nécessiteux. Et comme beaucoup à travers le monde, il est convaincu que la méditation peut jouer ce rôle. Il vit au quotidien, à l’orphelinat, ce que d’autres cherchent à mesurer. “Ce que nous constatons à partir des données, c’est que les gens qui souffrent, adultes ou enfants, sont ceux qui tirent le plus profit de la méditation”, explique Harald Walach, psychologue allemand et co-auteur d’un rapport sur le sujet publié dans la revue Frontiers in Psychology. “Ils ont touché le fond et leur situation ne peut que s’améliorer.”

 


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